En cette Journée Mondiale des Océans, je réponds à vos questions!

Chers amis de la classe de Mme Sonie,

Merci d’avoir suivi mon périple dans les Caraïbes, et surtout merci de m’avoir invitée dans votre classe pour discuter des océans. Aujourd’hui, c’est la Journée Mondiale des Océans, et pour souligner notre passion commune pour la mer, je réponds aux questions que vous m’avez envoyées. En passant, j’ai été ravie de lire vos commentaires, vous êtes formidables!

Question de Amélie C. “Est-ce que les baleines sautent plus haut que les dauphins?

Les baleines ne sautent pas en dehors de l’eau comme le font les dauphins. Certaines espèces, comme les rorquals à bosses, peuvent parfois sortir de l’eau en remontant du fond, surtout lorsqu’ils s’alimentent. Comme ces baleines sont énormes, ça donne un beau spectacle! Lorsqu’elle fait ça, on dit qu’une baleine “breach”.

Petite précision pour Antoine qui me parlait des “détecteurs plantés dans le dos”

En fait on appelle ça des émetteurs satellites et je t’envoie une photo pour que tu vois un peu à quoi ça ressemble. Comme je vous l’expliquait, c’est un peu comme lorsqu’on se fait percer les oreilles. On pose l’émetteur sur le dos des baleines et ensuite ça nous permet de suivre leurs déplacement durant plusieurs jours! Regarde sur la carte ici, on voit l’océan Atlantique, et les lignes de couleur ce sont les différentes baleines que nous avons suivies cette année.

Réponse au commentaire de Laurent: moi aussi j’espère être capable de sauver les baleines 🙂

Réponse à Charles-Cédric, qui me demande “Est-ce que les baleines que vous avez suivi sont au Canada?

Un rorqual à bosses, photographié à Tadoussac.

Il y a plusieurs espèces de baleines que j’ai eu la chance de suivre dans les Caraïbes qui viennent nous visiter dans le Saint-Laurent durant l’été. C’est le cas entre autre des baleines à bosses, mais aussi d’autres espèces comme les baleines bleues, les rorquals communs et peut-être les cachalots. Lorsqu’elles partent du Saint-Laurent à l’automne, on sait qu’elles se dirigent vers les eaux plus chaudes du sud, mais on n’a pas encore réussi à suivre leur route précisément. Pour les baleines bleues, c’est encore un grand mystère, on ne sait pas vraiment où elles partent. Quand les baleines quittent les Caraïbes vers la fin-avril/début-mai, elles remontent soient du côté ouest de l’Atlantique (le long des côtes du Canada et des États-Unis) ou encore traversent l’océan pour aller dans la région de l’Europe (Angleterre, Écosse, Norvège). Les individus qu’on voit dans le Saint-Laurent sont généralement les mêmes d’une année à l’autre, et on peut les identifier avec les marques qu’elles ont sur le dos et les nageoires, un peu comme des taches de naissance. On appelle ça de la photo-identification.

Réponse à la question de Emy T. “Est-ce que vous êtes capables de dire ou d’évaluer l’âge des baleines, et si oui, comment?

C’est très difficile de déterminer l’âge d’une baleine. Si une baleine meurt et s’échoue, il y a des indices qu’on peut chercher pour répondre à cette question. La clé de la réponse se trouve à l’intérieur de leurs oreilles! Eh oui! les baleines tout comme les humains accumulent de la cire dans leurs oreilles, et que lorsque l’on compte le nombre de couches qui se sont accumulées dans ce “bouchon”, on peut avoir une idée de l’âge des baleines. Il y a aussi de nouvelles méthodes qui permettent, avec un petit morceau de peau, de déterminer l’âge d’une baleine sans attendre qu’elle soit morte.

Réponse à la question de Sarah-Maude B. qui me demande “Jusqu’à quel âge les baleineaux suivent leurs mères?

Pour la plupart des espèces, les baleineaux naissent dans les eaux chaudes des tropiques (comme dans les Caraïbes où j’étais) et vont dépendre de leurs mères durant environ 1 an après leur naissance, parce qu’elles les allaitent. Un bébé rorqual à bosses boit environ 150 litres de lait par jour!!). Cela veut dire qu’ils vont suivre leur maman lors de leur premier voyage vers le nord, et revenir avec elles dans le sud.

Une baleine à bosses avec son petit (Photo: A. Nachoum)

Réponse à Henri G. “Est-ce que toutes les baleines mangent la même affaire?

Non, ça dépend des espèces. Les baleines à fanons (le genre de filtre que je vous ai montré en classe) comme les baleines à bosses, les baleines bleues, et les rorquals vont manger de plus petites proies qu’elles filtrent dans leur bouche, comme du krill ou des petites crevettes. Les baleines à dents, comme les bélugas, les cachalots et les globicéphales peuvent manger des proies un peu plus grosses comme des petits poissons.

Les fanons d'une baleine franche en train de manger (Photo M. Weinrich)

Voici du krill dans la main d'un pêcheur, pour vous donner une idée de la taille de ces bestioles (Photo: British Antarctic Survey)

Réponse à Félix R. “Je voudrais savoir si une baleine monte à la surface pendant qu’elle dort ou si elle se réveille pour monter respirer

Le sommeil des baleines est encore un grand mystère et on en connait bien peu de choses! Il semblerait que les baleines dorment en gardant une partie de leur cerveau pleinement actif pour leur permettre de gérer leur respiration. Nous les humains, nous respirons de façon instinctive et sans vraiment y penser. Les baleines n’ont pas ce luxe, et en plus elles vivent dans l’eau, où il n’y a pas d’air. Elles doivent respirer environ toutes les 30 minutes. Les baleines dorment normalement près de la surface pour être plus près de la source d’air lorsqu’elles doivent respirer. Elles dorment à l’horizontale ou à la verticale, ça dépend des individus, et peuvent parfois nager très lentement durant leur sommeil. Certaines baleines ont été vues en train de dormir à la surface, et à ce moment elles ressemblent à de gros débris flottants! Voici une vidéo d’une baleine qui dort, tournée à un endroit inconnu et par un caméraman tout aussi inconnu!

 

Réponse à la question de Marie-Soleil qui me demande “Depuis combien de temps est-ce que tu travaille à l’ISMER?

Hahaha, j’ai fait mon premier passage à l’ISMER lorsque j’étais étudiante au baccalauréat en sciences biologiques à l’Université de Montréal, en 1996. À ce moment, j’ai fait un stage d’été avec la Dr. Jocelyne Pellerin qui travaille en écotoxicologie. Je travaillais sur l’état de santé du Saguenay et du Saint-Laurent. Je suis ensuite partie étudier sur la côte ouest à Vancouver, et c’est en 2007 que je suis revenue ici à l’ISMER, pour faire mes travaux de recherche sur les baleines et les écosystèmes marins. Depuis l’an dernier, je fais partie de l’équipe de la Chaire UNESCO en analyse intégrée des systèmes marins (notre site web: http://www.uqar.ca/systemes-marins)

P.S.: et OUI on va se revoir bientôt, je vous emmène visiter l’ISMER et mon milieu de travail le 15 juin prochain!

Une petit mot pour Marjorie:

Oui je fais un formidable métier, et je me considère très chanceuse. L’océan me fascine depuis que je suis toute petite. J’ai grandit sur le bord de la mer, à Saint-Fabien-sur-Mer, et ça m’a toujours intéressé. Quand j’avais 5 ans je disait à tout le monde que dans la vie je serait une grande voyageuse qui s’occupe des animaux. Il faut toujours aller au bout de nos rêves et SURTOUT ne jamais laisser personne nous décourager car tu vois, ça peut nous mener loin!

En réponse aux 2 questions de Cora-Lee: “Combien de petits les baleines ont par année?” et “est-ce que votre travail est dans le domaine de l’océanographie?

Les grands cétacés ont un taux de reproduction très faible. La plupart des baleines peuvent avoir un bébé tous les 2 à 4 ans. Il faut dire que la grossesse dure environ 1 an! Il y a quelques cas connus de baleines qui ont plus qu’un foetus, mais normalement un seul naîtra vivant. Les bébés naissent par la queue, à la différence des autres mammifères (comme nous) où les bébés naissent la tête en premier. Voici un exemple en images de la naissance d’un béluga à l’aquarium de Vancouver:

Quant à mon domaine de recherche, oui, on peut dire que c’est de l’océanographie. L’océanographie est en fait un domaine qui regroupe les sciences de la biologie (c’est ce que je fais), de la chimie, de la physique et de la géologie des océans. Mon parcours scolaire a été le suivant: j’ai fait un baccalauréat en sciences biologiques, puis une maîtrise en gestion de la faune, et un doctorat en zoologie. Comme j’étudie principalement les question reliées à l’écologie des animaux marins, on peut dire que je fais de l’océanographie.

En réponse à Philippe D. qui me demande “est-ce que la baleine bleue est plus longue que le Titanic?

Le titanic, qui a coulé le 15 avril 1912 lors de son voyage inaugural, après avoir percuté un iceberg.

Hahaha c’est une bonne question! Une baleine bleue peut atteindre 33  mètres de long, et peser près de 180 tonnes!! C’est plus long que 2 autobus scolaires bout-à-bout!! Ce sont les plus grand animaux de la planète, mais par contre ils ne sont pas aussi grands que les bateaux. Le Titanic, surnommé l’insubmersible, faisait quant-à-lui 269 mètres de long.

Alicia D. me demande si “j’ai déjà vu d’autres animaux marins comme des tortues…” et aimerait aussi savoir “le nom des bateaux que j’ai pris“.

Durant notre expédition dans les Caraïbes, j’ai aussi vu des dauphins, des tortues, des méduses et des poissons volants. Dans d’autres voyages, j’ai aussi eu la chance de voir toutes sortes d’espèces marines, comme des phoques, des otaries, des ours polaires, des espadons, des thons, etc. C’est fascinant!

Un poisson volant

Pour ce qui est des bateaux sur lesquels j’ai eu la chance de naviguer, je dois dire que le Bel Espoir II était de loin le plus impressionnant. Un grand voilier 3 mats digne de Pirates des Caraïbes, que demander de plus!! J’ai aussi travaillé sur des bateaux de la Garde Côtière Canadienne comme le Needler, puis sur d’autres en Norvège comme le Johan Rudd, un bateau de recherche de l’Université de Tromso, ou en Écosse sur le Calanus.

Le Bel Espoir II, ancré en Martinique.

Le Alfred Needler de la Garde Côtière Canadienne.

Le bateau norvégien Johan Ruud.

Le Calanus du Scottish Association for Marine Science.

Réponse à la question de Sarah-Jade, qui me demandait “est-ce qu’on peut juste retracer les baleines comme les baleines à bosses ou on peut aussi retracer les cachalots, les dauphins, les bélugas et les orques?” et qui veut aussi savoir “si un dauphin c’est une baleine?“:

Les scientifiques qui étudient les cétacés ont réussi à suivre le déplacement de différentes espèces à l’aide d’émetteurs comme je vous ai montrés en classe. On peut en mettre sur les dauphins, les cachalots, les bélugas, les orques, et même sur d’autres espèces marines comme certains grands poissons et aussi les tortues.

Les mammifères marins appartenant à l'ordre des cétacés

En réponse à ta deuxième question, un dauphin n’est pas une baleine en tant que tel. Dans la classe taxonomique des mammifères, il y a deux ordres de mammifères marins: les pinnipèdes (qui inclue les phoques, les otaries, les morses) et les cétacés. L’ordre des cétacés se divise en sous-ordres: les baleines à fanons (mysticètes) et les baleines à dents (odontocètes), dont font partie les dauphins, les marsouins, les bélugas, et les plus grandes espèces comme les cachalots et les baleines à bec.

…et finalement, voici la réponse à Laurence L. qui veut savoir “quels sont les animaux qui habitent dans le Saint-Laurent?“:

Le Saint-Laurent est un écosystème très riche et possède une biodiversité très élevée. On y retrouve plus de 1000 espèces d’algues, 2200 espèces d’invertébrés, 86 espèces de poissons, près de 400 espèces d’oiseaux, et 13 espèces de cétacés et 6 espèces de phoques. Ça fait beaucoup de monde!!

L'écosystème du Saint-Laurent

Voilà, ça fait le tour de vos questions. Si vous en avez d’autres, n’hésitez JAMAIS à me contacter au lyne.morissette@uqar.qc.ca. Je vous revois la semaine prochaine pour la visite de l’ISMER!!

À bientôt!!

Lyne

15 Avril 2011 – Adieux à un équipage hyper sympa

7 jours en mer, 25 personnes. Au-delà de la pluie, des journées sans succès, et de la chaleur excessive de nos cabines, j’ai eu la chance de rencontrer une équipe extraordinaire, et de faire des découvertes fascinantes.

Ces quelques 50 heures en bateau, près de 400 km de transects, 4300 photos et 500 minutes d’enregistrement nous auront permis de rencontrer les cétacés de la Caraïbe.…et au delà de tout ça, j’aurai aussi eu la chance de rencontrer 25 collègues inspirants, qui sont maintenant encore plus: des amis.

Merci à tous, et À L’AN PROCHAIN!

14 avril 2011 – Ensemble pour protéger

La mission se termine demain. Aujourd’hui, on reste en Martinique, et on vogue de Saint-Pierre à Fort-de-France, au beau soleil. Pas de baleines, pas de dauphins, pas de sons à l’hydrophone non plus. Le silence le plus total…

Le Bel Espoir II dans la baie de Fort-de-France

Le sanctuaire AGOA c’est aussi ça: de l’eau à perte de vue, et une biodiversité phénoménale qui se cache sous la surface, et qu’on connait encore très peu. Préserver ces richesses marines, c’est l’affaire de tous: ici, dans la Caraïbe, pour les pêcheurs, les chercheurs, les plongeurs, les kayakistes, c’est un héritage précieux. Et il ne faut pas croire que 1200 km plus au nord, nous ne sommes pas en lien avec cette richesse: les baleines ne connaissent pas les frontières créées par l’homme, et certaines entreprennent de grandes migrations jusqu’à chez nous, dans le majestueux Saint-Laurent.

Des 13 espèces de cétacés que l’on retrouve dans le Saint-Laurent, on croit que 6 pourraient peut-être se retrouver dans la Caraïbe en hiver. Pour ces espèces, et pour l’intégrité de l’écosystème, nos efforts de conservation sont cruciales.

La conservation de nos écosystèmes marins, de leur intégrité et de leurs espèces, ça dépasse les frontières. Les efforts que nous faisons au Québec pour préserver l’environnement ont un impact direct sur ceux qui sont fait ici dans la Caraïbe. En effet, si les baleines peuvent bénéficier d’un sanctuaire de protection dans leur aire de reproduction durant l’hiver, on s’assure de les revoir en santé lors de leur retour au printemps dans les eaux du nord.

Une partie de léquipe du Bel Espoir et de BREACH, avec qui jai eu le bonheur de passer la semaine

Quelques faits sur le sanctuaire AGOA:

  • Agoa ? Maï Agoa désigne la mère de l’esprit des eaux, déesse de la mythologie amérindienne. La baleine à bosse est le logo d’Ago, car elle vient quelques mois par an dans nos eaux assurer sa reproduction.
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  • Surface ? 138 000 km2, soit la surface des eaux territoriales et la zone économique exclusive des îles concernées
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  • Espèces ? 21 espèces des 28 espèces présentes dans la mer des Caraïbes sont présentes aux Antilles françaises : des cétacés à fanons ( baleine à bosse ou rorqual) ou cétacés à dents ( cachalot et dauphins ).
  • Prochaine étape ? La mise en place d’une commission précisant les modalités de gestion, la préparation d’un plan de gestion et la réalisation d’actions concrètes tels les recensements de cétacés par survols aériens et campagnes en mer.
  • La Martinique accueillera aussi en novembre 2011 la seconde conférence internationale sur les sanctuaires de mammifères marins.

Le sanctuaire AGOA est un point de départ et non un aboutissement. C’est un premier pas pour sensibiliser tout le monde à l’héritage de nos océans et à la nécessité de les conserver. Maintenant reconnu comme une zone d’importance critique, la région des Antilles, avec son projet AGOA, pourra bénéficier d’une force d’inspiration pour changer le monde pour les générations futures. Quand je vois un tel effort collectif, je me rappelle pourquoi je fais ce travail.

Message du chef de mission: le professeur Olivier Adam

Notre traversée Guadeloupe – Martinique se déroule extrêmement bien. Nous avons déjà croisé des baleines à bosse, des cachalots, des dauphins. Les conférences se passent très bien et l’ambiance sur le bateau est très agréable. Nous sommes particulièrement fiers d’avoir réunis des experts de Guadeloupe, de Martinique, de St Pierre-et-Miquelon, de République Dominicaine, du Québec, des Etats-Unis, d’Espagne, du Venezuela. Les échanges sont riches et fructueux. Nous pensons déjà à l’aventure 2012 !

A très bientôt,
Olivier ADAM

13 Avril 2011 – trouver des baleines en Martinique, c’est plus facile que trouver de l’internet!

Déjà 3 jours sur le bateau. La pluie a enfin cessé ce matin. C’est génial, je découvre enfin la vraie couleur du pont! Nous quittons la Dominique ce matin pour regagner la zone officielle du Sanctuaire AGOA. En effet, le concept officiel du sanctuaire se limite pour l’instant aux deux départements français : la Guadeloupe et la Martinique. Pour l’île entre les deux, la Dominique, ça viendra très certainement, compte tenu du caractère si naturel de l’île.

La Dominique - et le site de tournage officiel de Pirate des Caraïbes

Entre la Dominique et la Martinique, nous faisons un transect (c’est-à-dire un trajet durant lequel nous gardons un certain cap et faisons l’inventaire de tout ce qu’on voit à l’horizon). Quelle surprise l’océan nous offrira ce matin? Un souffle de cachalot! Est-ce que le fameux personnage du roman d’Herman Melville, Mobi Dick, a décidé de nous rendre visite? En fait, ils sont au moins 3. Génial, on s’approche en espérant pouvoir prendre quelques photos. Première constatation, une des baleines plonge, on ne voit que sa queue. Il faut savoir que lorsqu’un cachalot plonge, on en a pour environ 40 minutes avant qu’il refasse surface. Nous sommes à 1200 mètres de fond ici. Oui oui, vous avez bien lu : 1.2 kilomètres d’eau sous le bateau! Les cachalots favorisent ce type d’environnement et s’alimentent normalement sur ces falaises sous-marines.

Un cachalot comme on aurait aimé le voir ici (Image de Baleineendirect.net)

Le cachalot est le plus gros des cétacés à dents, il figure parmi ceux qui plongent le plus profondément et le plus longtemps, et il possède le plus gros cerveau du règne animal.

Les cachalots on tune migration bien particulière, et on ne la connait que très peu. Ce qu’on en sait, c’est qu’il semblerait que seuls les adultes mâles migrent vers le nord (comme dans le Saint-Laurent) pour s’alimenter. Quand les cachalots mâles atteignent l’âge de 25 ans, ils semblent migrer l’hiver vers des destinations plus tropicales, comme ici dans les Caraïbes. Les groupes de femelles et de jeunes restent généralement dans les zones tropicales.

40 minutes sont passées, pas de cachalot en surface. Nous n’aurons vu que leurs souffles, et entendu leurs clics avec l’hydrophone. Je vous mettrai un clip audio dès que j’en aurai la chance.

On met l'hydrophone à l'eau pour entendre les sons des baleines...

Nous arrivons en soirée à Saint-Pierre en Martinique. Je donne une conférence grand public sur les baleines et les pêcheries. Je travaille sur cette question depuis maintenant plusieurs années. L’idée générale de la problématique, c’est que les pays chasseurs de baleines (comme le Japon, pour ne pas le nommer), subissent maintenant un moratoire (une interdiction) sur la chasse à la baleine au niveau international. Chaque année, à la réunion de la Commission Baleinière Internationale, on tente de faire lever ce moratoire et de reprendre la chasse. Le problème, c’est que certaines espèces chassées sont en voie d’extinction… Un autre problème (qui constitue le gros de mon travail), c’est que pour gagner des votes, certaines agences diffusent des idées erronées concernant la place écologique des baleines dans l’écosystème. La tactique est de cibler les pays plus pauvres qui dépendent étroitement de la mer et des pêcheries, pour aller leur dire que les baleines mangent tout le poisson, et qu’en abattant des baleines, on pourrait avoir plus de poissons à pêcher. Or dans ces zones, qui sont la plupart du temps des pays tropicaux (en Afrique de l’Ouest, dans le sud du Pacifique et ici en Caraïbe), les baleines ne mangent que très peu, pour ne pas dire pas du tout. Mes travaux des desnières années ont donc démontré scientifiquement que les baleines ne sont pas une menace aux pêcheries de ces régions, et que d’abattre des baleines n’aidera en rien les pêcheries locales.

Une baleine vivante, en fait, a beaucoup plus de valeur qu’une baleine qu’on tue. L’industrie écotouristique, la contribution à la biodiversité et le rôle de ces grands animaux dans l’écosystème sont nettement plus précieux que le peu de profit qu’on pourrait en retirer en abattant ces grands géants.

Dans le bateau, en train de vous écrire...

12 Avril 2011 – 8 baleines, une vingtaine de dauphins, et 700 photos!

Aux jaloux qui croient que je suis ici en vacances, si ça peut vous consoler, il a plu toute la journée. Mais bon, ça ne nous a pas empêché d’avoir du beau temps: une mer calme, et beaucoup d’animaux.

Après s’être levés avec le soleil, on a levé l’ancre de Marie-Galante pour partir vers la Dominique. Cette île, c’est l’une des mieux préservées de la Caraïbe, “l’île de la nature”, comme on l’appelle ici. Il y a un volcan Soufrière, en plein centre de l’île. La grande majorité de l’économie ici est basée sur l’écotourisme: plongée, randonnée tropicales, etc. C’est d’ailleurs le caractère naturel de cette belle île qui a fait que c’est ici qu’on l’a choisi pour tourner les scènes de Pirates Des Caraïbes.

Nous sommes maintenant ancrés dans le port de Roseau, en Dominique. Quelle chance, on peut capter le réseau sans fil de l’hôtel Fort Young, juste en face.

Notre trajet pour aujourd'hui, en bleu.

Aujourd’hui c’était une journée productive au niveau des inventaires de cétacés. Comment ça se passe? 6 personnes se postent sur le devant du bateau, chacun a une section de mer à observer, et on scrute l’horizon pour des souffles de baleines, des dos de dauphins, etc. Lorsqu’on voit un cétacé au loin, on dirige tranquillement le bateau vers là, et on prend des photos question d’identifier les individus selon la forme de leur dorsale, les taches sur leurs nageoires, etc.

Toutes les heures, on met aussi des hydrophones à l’eau pour enregistrer les sons qu’émettent les dauphins et baleines. Je vous enverrai certains extraits audio, c’est vraiment génial.

Cliquez sur l'image pour entendre le chant de cette baleine à bosses

Aujourd’hui, 4 groupes de 2 baleines à bosses (probablement des mères avec leurs petits) nous ont tenu occupés tout l’avant-midi. Après le dîner, c’était plutôt tranquille, jusqu’à ce qu’on arrive tout près de Roseau en Dominique, là où on a découvert un groupe de 20 dauphins qui nous ont suivi pratiquement jusqu’au port. Des dauphins de Fraser, pour la plupart. Ces dauphins font environ 1 mètre de long et peuvent peser jusqu’à 200 kg à l’âge adulte.

Une baleine à bosse nous fait un beau SPLASH!

Dauphin de Fraser

Demain, c’est la traversée vers la Martinique. Premier arrêt: Saint-Pierre. J’y donnerai une conférence sur la chasse à la baleine (ça y est, les Japonais vont encore me détester!).

à suivre!

La route des baleines fait les nouvelles nationales

Journal de la Guadeloupe sur France 2

Cliquez pour voir le bulletin de nouvelles du 11 avril 2011

Un autre reportage sur la première chaîne de Guadeloupe

Cliquez sur l'image pour voir le reportage

11 avril 2011 – Bercée par la mer

Les Caraïbes constituent une zone importante pour les cétacés (baleines et dauphins). Dans les Antilles françaises (Martinique et Guadeloupe), on en recense 28 espèces différentes. Cette biodiversité de mammifères marins, qu’ils soient résidents, semi-résidents ou de passage est exceptionnelle et représente un important patrimoine pour les océans.

La traversée de la Guadeloupe vers Marie-Galante – où le bateau nous attend – s’est avérée pour moi le premier contact avec ces baleines du sud. Peut-être les nôtres? Qui sait… 2 rorquals à bosses se sont pointés à l’arrière du catamaran qui assurait la traversée. C’était génial.

Le Bel Espoir II, notre bateau pour l'expédition

Sur le voilier nous attendent l’équipe de chercheurs qui participent à l’expédition. Ils viennent des quatre coins de la planète: France, St-Pierre-et-Miquelon, États-Unis, République Dominiquaine, Venezuela, etc… Tous intéressés par une seule et même chose: l’étude et la conservation de ces géants des mers, les baleines.

Les baleines à bosses sont certainement les plus intéressantes à étudier ici dans la Caraïbe. Pourquoi? Parce qu’elles chantent! Eh oui, elles émettent des sons qui leur sont uniques, et l’équipe de chercheurs avec qui je travaille a pour but de les identifier de cette manière. Pour ce faire, on pose des hydrophones dans l’eau et on peut analyser les sons de différentes espèces, et même reconnaître les individus.

Vivre sur un bateau c’est aussi une adaptation. Nous sommes 25 à bord, et évidemment on se partage les tâches, la mienne pour aujourd’hui? La vaisselle du midi. Heureusement, comme je suis arrivée à 20h00, je m’en passe! Demain j’aurai la vaisselle du soir à faire… ça ira.

À 9h00 on lève les voiles vers la Dominique. J’ai hâte de voir ça, la levée des voiles! Ça risque d’être impressionnant sur un 3 mats de près de 40 mètres! Encore une fois, comme c’est un vieux bateau, rien n’est automatisé. La levée des voiles, c’est au cordage et en équipe que ça se fera.

En attendant, je m’endormirai bercée par les vagues (et le son de mes coéquipiers qui ronflent…).

Prochaine étape, la Dominique, le 12.

10 avril 2011 – la grande migration

Comme le font nos grands cétacés l’automne venu, j’ai quitté le Saint-Laurent aujourd’hui pour me rendre dans les Caraïbes. Le voyage est plus rapide pour nous humains, et ce malgré les nombreuses escales: Îles de la Madeleine, Gaspé, Québec, Montréal, et ensuite Martinique, et Guadeloupe, destination finale pour rejoindre le voilier. Temps total? 33 heures dans mon cas. Pour les baleines, cette migration du Golfe du Saint-Laurent jusqu’à la Caraïbe prendra quelques semaines.

Les baleines sont en ce moment dans les Caraïbes et entreprendront dans quelques jours leur migration de retour vers le nord, pour s’alimenter dans les eaux riches en poissons et en krill du Saint-Laurent et des côtes Atlantique Est et Ouest. On ne sais pas exactement quels individus partent d’ici dans les Antilles pour revenir chez nous. On ne connait guère mieux l’aller que le retour: pour les rorquals à bosse, on sait que la migration existe entre le Saint-Laurent et les Caraïbes, mais pour la baleine bleue, c’est encore un grand mystère.

L’an dernier, une équipe de BREACH (www.breach-asso.org) a posé des émetteurs de type balise Argos sur une dizaine de baleines à bosses, espérant faire ce lien entre nos deux régions. Les données recueillis nous ont permis de suivre des individus qui se sont retrouvés sur les côtes de l’Écosse, mais aucune qui revenait vers le Saint-Laurent. Histoire à suivre, peut-être que cette année nous aurons une surprise…

La dernière étape de ma “migration” à moi se fera demain le 11 avril, alors que je prendrai le bateau qui me portera jusqu’au VRAI voilier. Un majestueux 3 mats de 39 mètres de long. C’est digne de pirates des Caraïbes…

9 avril 2011 – l’expédition est lancée!

Après une première série de conférences en Guadeloupe, l’expédition « sur la route des baleines » est lancée à Fort-de-France, en Martinique. Les Antilles françaises constituent une zone importante pour les cétacés (baleines et dauphins). Dans les Antilles françaises, on en recense 28 espèces différentes. Cette biodiversité de mammifères marins, qu’ils soient résidents, semi-résidents ou de passage est exceptionnelle et représente un important patrimoine pour les océans.

Le sanctuaire AGOA a été signé, par le gouvernement français, le 5 octobre 2010. La création de ce nouveau sanctuaire affiche clairement la position de la France en faveur de la protection des cétacés et de la conservation des espèces et de leur environnement. Il s’agit d’un acte politique majeur dans une région où la baleine est encore chassée et où certaines iles, influencées par le lobbying japonais, refusent de participer au vote en faveur de l’arrêt de la chasse à la Commission Baleinière Internationale.

L’expédition compte sur une équipe internationale de chercheurs qui viennent étudier, observer, et parler des baleines. Je me réjouis de participer à un événement aussi important, car pour nous au Québec il s’agit d’une initiative très bien reçue, car les baleines que nous protégeons l’été avec le Parc Marin du Saguenay-Saint-Laurent se retrouvent maintenant protégées à l’autre bout de leur chemin de migration, là où elles vont l’hiver pour se reproduire.

L’expédition est lancée aujourd’hui, mais moi je ne la joindrai que dans quelques heures. Je suis aux Îles de la Madeleine pour un important forum sur les préoccupations côtières face au développement d’un site d’exploitation pétrolière (Old Harry, pour ne pas le nommer), en plein milieu du Golfe du Saint-Laurent. Étonnamment, ce n’est pas si hors contexte que ça de cette expédition aux Antilles : on protège nos baleines dans le Saint-Laurent, on les protège là où elles vont passer l’hiver, maintenant il faudrait s’arranger pour qu’entre les deux elles puissent voyager sans danger. À mon sens à moi, Old Harry est un bel exemple de menace pas encore réglée…

 

Aux Îles de la Madeleine on s'inquiète pour l'exploration et l'exploitation pétrolière... Ce n'est peut-être pas si déconnecté que ça de mon expédition après tout: les baleines qu'on tente de protéger dans les Caraïbes sont les mêmes qui viennent visiter le Saint-Laurent en été. Et Old Harry se dresse en plein milieu de leur route migratoire.

Mais c’est la tête pleine d’espoir et d’enthousiasme pour cette belle expédition que je quitte les Îles de la madeleine dans quelques heures pour me rendre aux Caraïbes. Ce sera une belle expédition.